mardi 29 avril 2008

De plus en plus paysée





Les photos 1 et 2, je les ai prises samedi dernier, 26 avril, en direction de notre camp. Crocodile Dundee était là depuis la veille et il avait dû faire le grand détour par le chemin du lac Clérion, en VTT, toutes les parties de la rivière n'étant pas encore à l'eau claire. En partant, il m'avait donné rendez-vous samedi, à 16 heures, à la marina de Rapide Deux : « Si ça va comme je pense, je vais aller te chercher en bateau! » et ça, c'est toujours une fête, chaque année, quand c'est la première fois! Nous avons dû jouer un peu au brise-glace dans notre bras de rivière où la glace était « en chandelles » mais ça valait le coup, je vous assure!

La photo 3, je viens de la piquer (skuzez...) sur le site des Chalets des Sillons, Dune du Sud, Hâvre-aux-Maisons, Iles de la Madeleine. C'est ce que je verrai du chalet que je viens de louer pour une semaine, du 22 au 29 juin, au pays où mes parents sont nés, mes grands-parents aussi et où j'ai encore tellement de famille, de racines, d'algues marines (!), de rencontres à faire et de choses à vivre, dans ces petites vacances qui devraient m'amener à renaître...

Samedi avant-midi, ma semaine de travail a été infernale mais elle est terminée. Mon petit baluchon est prêt, la glacière aussi, et j'espère que Crocodile Dundee pourra venir me chercher en bateau à la marina. Juste à la pensée de revoir ma rivière, enfin à l'eau claire, ça me donne l'élan d'entreprendre n'importe quoi. Dehors, c'est la grisaille totale mais dans mon coeur, il fait tellement soleil...

Je décide que j'ai sûrement le temps d'appeler à Hâvre-aux-Maisons, c'est mon point de départ avant de faire quoi que ce soit comme démarche pour mon voyage aux Iles. Il me faut prévoir que là-bas, l'expression une heure plus tard dans les Maritimes s'applique tout à fait. Onze heures chez moi égalent midi chez Fred à mon oncle Will.

Ah, vous ne le connaissez pas, Fred à mon oncle Will? C'est comme mon cousin/grand frère/ami/oncle, pêcheur de homards, comme l'ont été mes grands-pères, mes arrière-grands-pères, mes arrière-arrière... J'ai connu Fred quand j'étais petite, il était jeune homme, célibataire, et son esprit d'aventure l'avait conduit de ses Iles de la Madeleine jusque chez nous, à Matagami, où il était venu travailler dans les mines. Il habitait chez nous en pension, étant parent avec mes parents.

Fred à mon oncle Will, c'était de la famille en plus exotique. Son accent était le même que tout le monde chez nous mais lui, il arrivait directement de là-bas, il connaissait tout de la mer et de ses rivages, de la pêche et des légendes madeliniennes, des gardiens de phares et des îles isolées, des histoires de chasse aux loups marins, de bateaux naufragés, de baleines échouées, de ponchon, de bouette, de chalutiers, de bateaux, de Dune du Su', de la Pointe Basse, la Pointe aux loups, de vent de Noroît, de Sawess, d'amarres, de quai, de parenté, de capitaines et de matelots.

Mais surtout, Fred à mon oncle Will, ne me traitait pas comme une petite fille. Il me parlait d'égal à égal, on pouvait jaser des heures, il me racontait des « jokes de gars de la mine » et me prêtait tous ses livres. J'avais accès à tout. Il avait même des livres de farces et de caricatures, ce qui contrastait avec les livres que Maman achetait et qui devaient toujours être éducatifs! Il aimait beaucoup lire, Fred, c'est pour ça qu'il savait plein de choses! Probablement pour ça aussi qu'on est devenus comme des amis, malgré notre différence d'âge.

- J'avais hâte que t'appelles, ça a l'air que tu viens aux Iles, veux-tu de moi comme guide?

- Je voudrais pas te déranger, j'aurai ma voiture, mon hébergement et tout mais j'aimerais ça te voir et puis, Rollande, puis ma tante Irma, pis Roberte. Connais-tu Roberte?

- Si je connais Roberte? Elle était à la danse avec nous autres hier soir!

- J'aimerais tellement la voir, c'est sûr, il ne me reste pas tant de famille que ça aux Iles...

- C'est ça que tu penses? T'as pas fini d'en voir, de la famille!

- Je voudrais me reposer aussi...

- (Rires étouffés de sa part) Tu penses vraiment que tu vas pouvoir te reposer aux Iles?

- Euh... Non?

- Non! (fou rire de sa part) ... Tu vas venir en mer? Le homard? T'es dans les bonnes dates, on pêche jusqu'au 3 juillet...

- Tu crois que ça se pourrait?

- C'est obligatoire. Je t'emmène, c'est sûr! Depuis le temps que je t'en parle...

- Y aura pas de touriste plus heureuse que moi...

- Dis pas ça, tu seras jamais une touriste, tes racines sont ici, t'as plein de famille, t'es à 98 % une Madelinienne, quand tu repartiras, tu seras à 100 %, on va y voir!

..................... (là on jase, on jase, on jase)........................

- Qu'est-ce que tu fais aujourd'hui? Ta mère me disait que t'es tout le temps dans le bois les fins de semaine.

- Là, je me prépare à partir justement, ça se peut que mon mari vienne me chercher en bateau si la rivière est toute dégelée, j'aimerais tellement ça, si tu savais, je m'ennuie de voir de l'eau...

- Ben c'est ça, commence par ton p'tit bateau pis j't'amènerai sur un gros bateau. Rappelle-moi quand t'auras fini tes démarches. On va t'attendre, on a ben hâte de te voir!

Voilà pourquoi, pour moi, il fallait que tout commence par un coup de fil à Fred à mon oncle Will. J'ai réservé mes billets d'avion, du 22 au 29 juin inclusivement, j'attends un retour d'appel pour ma location de voiture, je logerai dans mon petit chalet face à la mer, où je prendrai mon café dehors, très tôt, pour voir tous les levers de soleil. À ma gauche, il y a 22 km de plage, la Dune du Sud. À ma droite, les falaises rouges et devant, la mer... LA GRANDE BLEUE à l'infini.

Et comme pour que je me sente encore plus chez moi, partout où j'appelle ces jours-ci, quand on entend mon nom de famille, on me demande « ben, t'es la fille à qui, toi? » et je réponds :

- À Léo à Avila à Julien à Jos et du côté de Maman, à Rita à Aubin à Emmanuel à Léon, tous du Hâvre-aux-Maisons!

- Ben, sais-tu quoi? On est parents!

- M'étonne pas, j'ai plein de famille aux Iles. Certains que je connais, d'autres que j'ai hâte de connaître!



lundi 21 avril 2008

Entre l'ombre et la lumière


Photo prise chez nous, du balcon, l'été dernier. Étrangement, j'aime ces ciels tourmentés, qu'on dirait presque menaçants, avec des couleurs étranges, qui viennent arrêter le temps qui fuit, semer un peu d'éternité, entre l'ombre et la lumière...

Je me suis toujours un peu trouvée là, entre l'ombre et la lumière.

Quand j'étais écrivain public, on me demandait souvent comment je faisais pour me mettre à la place de quelqu'un d'autre au point de pouvoir m'exprimer à leur place, en leur nom. C'était facile, je n'avais qu'à écouter ce qu'ils ne disaient pas et qui parle beaucoup plus que ce qu'ils disent. Alors, on me demandait quelle était la difficulté, le défi que je rencontrais souvent dans mon travail...

C'est difficile d'abandonner la paternité d'un texte, celui qu'on vient juste de mettre au monde, parfois dans la douleur, mais toujours avec le bonheur d'avoir donné le meilleur de soi, d'avoir réalisé quelque chose qui nous semble pour un instant à fois plus grand et meilleur que ce qu'on est. Créer, inventer, que ce soit en musique, en peinture, en mots, en images, en théâtre, en danse, c'est se mettre au monde aussi, et pour quelques instants, on est un peu amoureux de ce qu'on a trouvé à l'intérieur de soi, quand on a réussi à fixer sous la plume les visions fulgurantes aperçues à l'heure fugitive de l'inspiration...

Ce que j'ai écrit de mieux dans ma vie n'a jamais porté ma signature. C'est vrai que je suis plus à l'aise dans l'ombre que dans la lumière. Les coulisses, c'est ma place. La lumière m'aveuglerait peut-être. Pourtant, il y a eu bien des fois où, sans vouloir être sous les projecteurs, j'avais de la peine qu'on s'approprie le fruit de mon travail, qu'on le livre sans aucune âme comme une marchandise ou qu'on en prenne du crédit. Je me souviens d'une soirée où l'on a rendu hommage à trois hommes que j'admirais beaucoup : un bâtisseur, un jeune homme de la relève et un exemple d'excellence.

On m'avait confié le mandat de leur écrire un hommage. Un à un, je les ai rencontrés, j'ai enregistré notre entretien de quelques heures, vécu quelque chose d'exceptionnel avec chacun des trois puis j'ai été inspirée de ces rencontres et j'ai écrit les hommages. Dans la salle, on applaudissait à tout rompre ceux et celles qui livraient ces textes, laissant croire qu'ils et elles en étaient les auteurs(es). J'avais réussi à transmettre quelque chose de fort, de vrai, certains essuyaient une petite larme. J'applaudissais aussi, touchée de ces mots qui étaient les miens mais surtout de la réaction de ces trois hommes et de leur entourage. J'étais l'auteure... dans l'ombre, d'autres avaient besoin d'être dans la lumière...

Ces temps-ci, j'écris beaucoup pour mon travail. En fait, je suis pas mal débordée d'ouvrage. Je ne suis plus écrivain public mais encore maintenant, ce que j'écris ne porte jamais ma signature. Ça ne me fait rien, bof... presque rien, j'y suis habituée, je me console en me disant que je suis l'une des rares au Québec à gagner ma vie avec ce que j'écris, que j'ai au moins une chose en commun avec Michel Tremblay!

Une fois, c'est arrivé où je suis peut-être passée de l'ombre à la lumière. Je vous raconte.

Au temps où la municipalité de Lac Dufault n'était pas encore fusionnée à Rouyn-Noranda, le petit journal du village était publié et distribué 6 fois l'an. Le maire me demandait chaque fois d'écrire quelque chose pour boucler la boucle, un texte rassembleur pour la couverture arrière de notre petit journal. Gratuitement, bien sûr, la municipalité n'était pas riche et il disait tout le temps comme Séraphin, « La corporâtion est pauvre ». Je disais oui, je n'ai jamais su dire non. À un moment donné, il ne me le demandait même plus, il se contentait de me dire quelle était la date où on allait en impression et j'apportais mon texte, sur une disquette, aux bureaux de la municipalité.

Une fois que j'apportais ma disquette, on avait reçu une lettre de la part des organisateurs du Festival de la poésie de Trois-Rivières. On demandait aux maires des villes et villages du Québec de proposer des candidatures de textes et de poètes de chez eux. On donnait les critères et les consignes pour y participer. On allait en choisir quelques-uns qu'on allait publier, textes et signatures gravés dans la pierre du monument au Poète inconnu, et qui serait dévoilé lors des cérémonies d'ouverture du Festival.

Mon maire, qui avait l'impression de m'en devoir une je suppose, m'a demandé s'il pouvait proposer ma candidature. J'ai accepté et lui ai donné les mots d'une chanson que j'avais écrite. J'étais attachée à ce texte-là parce qu'il m'avait permis de vivre quelque chose de merveilleux. Je l'avais écrit pour moi, en pensant à Crocodile Dundee, mais par un concours de circonstance imprévu, je l'avais offert à une famille qui célébrait les 50 ans de mariage des parents, Hervé et Solange. Comme écrivain public, on m'avait confié l'écriture de l'hommage (ce que les gens appellent l'adresse mais qui n'en est pas une du tout!...) les invitations et quelques bricoles autour mais quand on m'a parlé d'une chanson qui mettrait en valeur les talents de la petite-fille, très en voix, et des musiciens qui l'accompagneraient, j'ai proposé la mienne, déjà écrite, paroles et musique, et qui convenait parfaitement, surtout que Solange aimait tellement jouer de la guitare.

J'ai donc enregistré mon interprétation toute simple, guitare et voix, sur une cassette audio, et, timidement, je leur ai remis ma chanson pour qu'ils s'en servent à leur guise. J'étais honorée. Ils ont tenu à ce que j'aille à la fête. Pour le souper et les célébrations familiales en soirée, j'ai poliment refusé mais pour la partie « publique », dans l'église, j'ai accepté avec joie. J'étais donc assise dans le dernier banc de l'église du village d'Evain le jour du 50e anniversaire de mariage des parents. Quand je l'ai entendue, ma chanson, si bien chantée par leur petite-fille et enrobée de ma musique, devenue tellement plus belle parce que jouée par trois merveilleux musiciens, deux guitares et un violon... Je peux pas vous dire... Dans mon coeur, j'ai eu plein de sentiments mélangés...

IMAGINE

Imagine quand nous ne serons plus jeunes
Quand nous courberons sous le poids des ans
Le coeur usé mais l'esprit devenu sage
L'amour vaincra le passage du temps

J'inventerai pour toi les plus belles histoires
Je te raconterai l'ivresse de nos trente ans
Et nous rirons ensemble de ce temps mémorable
Où l'on s'aimait quand même si l'on manquait de temps

Imagine quand nous prendrons de l'âge
Quand nous aurons construit tous tes châteaux
Quand il y aura sur nos joues des sillages
Mais que nos âmes s'aimeront comme il faut

J'aurai gardé pour toi des projets et des rêves
Et je me souviendrai de ce que tu aimais
Et nous profiterons de ces heures trop brèves
Parce que nous saurons qu'elles ne reviennent jamais

Imagine quand nous serons plus fragiles
Quand nous ferons le même petit jardin
Quand tous les mots seront bien inutiles
Et que ton regard cherchera le mien

J'aurai encore pour toi des accords de guitare
Et nous irons chantant le même doux refrain
À nos petits-enfants qui seront notre gloire
Et qui nous parleront de leurs nombreux demains

Et qui nous parlerons de leurs nombreux demains...

Croyez-le ou non, mon maire a reçu quelques semaines plus tard, une lettre officielle du Festival international de poésie de Trois-Rivières. J'avais été choisie, moi, une citoyenne de Lac Dufault, pour que ce texte et ma signature soient gravés dans la pierre du monument au Poète inconnu!

Il faudrait bien que j'aille voir, à Trois-Rivières, si c'est vrai qu'il y a un monument au Poète inconnu et que pour une fois, je serais passée de l'ombre à la lumière...

mercredi 9 avril 2008

À l'affiche sur le frigo


Cette photo date de 40 ans, c'est ma mère qui l'a prise lors de nos vacances de l'été 1967. Si je devais choisir une seule photo dans le monde entier, ce serait celle-là. Pourquoi? Parce qu'elle me faire rire, les larmes aux yeux, elle raconte tellement d'histoires de notre enfance, de tout ce que j'aime, l'humour et l'amour, la tendresse aussi.

La dernière fois qu'on l'a regardée, c'était lors de notre souper familial chez Maman, à Pâques. Juste à l'évoquer, Joce et moi, on riait tellement que j'étais incapable de parler et je suis allée chercher l'album du 50e anniversaire de mariage de nos parents. Oui, on a l'air misérable mais on était tellement heureux! Plus Maman se défendait corps et âme qu'on était loin d'avoir eu une enfance misérable, plus on essayait de lui dire que c'était vrai mais on était incapable de finir nos phrases. Avec nos enfants, empilés les uns sur les autres dans la petite causeuse de la salle à dîner, on a revisité l'album au complet, avec ses 50 photos agrandies de notre histoire, les séquences écrites qu'on a faites à trois et qui ont servi d'hommage à nos parents...

Je cherchais à publier cette photo ici parce que nous avons perdu l'original. J'ai donc numérisé une page de l'album du 50e et l'occasion s'est présentée dernièrement de l'inclure ici alors qu'un ami m'écrivait qu'il aimerait bien lire « À l'affiche sur le frigo », un texte que j'ai écrit en 2006, publié dans le recueil « Empreintes boréales ».

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À l’affiche sur le frigo

« L’enfance est un bagage que l’on transporte toute sa vie », Gilles Vigneault. Dans ma famille, on a assimilé cette phrase, comme tant d’autres, puisqu’elle a longtemps figuré à la place d’honneur, à un endroit stratégique de la maison familiale : la porte du frigo! Maman avait cette habitude, quand elle tombait sur une perle, de la retranscrire sur une feuille blanche, de son écriture du dimanche, avec des majuscules rondes et voluptueuses, qu’elle affichait bien en vue sur le frigo. Ces pensées, maximes et pistes de réflexion, portaient toujours la signature de leur auteur(e) parce qu’elle avait un respect immense pour les mots et pour ceux qui les écrivent. Elle était aussi d’avis qu’il en va des réflexions comme des musiques : certaines élèvent l’âme…

Elle procédait ainsi : plus elle souhaitait que nous comprenions l’affaire, plus la phrase restait longtemps à l’affiche, si bien qu’avec le temps, nous avons intégré ces valeurs comme les fondements de nos vies d’adultes. Enfants, nous comprenions d’instinct qu’une phrase choisie par Maman pour un tel honneur devait en valoir la peine. Maman n’affichait pas n’importe quoi sur le frigo! Pour nous, la découverte d’une nouvelle phrase coïncidait souvent avec une occasion spéciale ou notre repas préféré, du moins, en gardons-nous le souvenir d’une belle page neuve dans le livre de notre histoire familiale. Au fil des ans, il y en a eu sur la reconnaissance, la générosité, le partage, la foi, l’amour des autres, l’amitié, l’intégrité, bref, sur tout ce que Maman voulait nous transmettre comme bagage… que l’on transporte toute sa vie.

L’une d’elles, restée très longtemps à l’affiche, est venue teinter de riches couleurs nos existences : « Le bonheur se compose de mille et une petites choses ». Puisque son auteur est resté inconnu, on soupçonne Maman de l’avoir écrite sur mesure pour nous… En tout cas, dans nos réunions familiales, quand on se remémore les phrases du frigo de notre enfance, celle-là arrive en premier et elle nous trouve toujours des exemples récents pour mieux l’illustrer.

J’ai réalisé dernièrement que chez mes deux frères comme chez moi, la porte du frigo est bien garnie : messages, dessins d’enfants, caricatures, dates de rendez-vous, billets de spectacles et toujours… une seule phrase, écrite à la main, portant le nom de son auteur(e). Elle change parfois selon les événements ou l’âge de nos enfants qui, eux, la découvrent avec un enthousiasme semblable au nôtre lorsque nous retournons à la « maison mère », et que nous découvrons que Maman vient d’en afficher une toute nouvelle… sur la porte de son frigo!

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Histoire d'actualiser ce texte, voici ce qui est présentement à l'affiche sur mon frigo :

« De tous les visiteurs de la forêt, les randonneurs sont les moins égoïstes : ils n'y recherchent aucun avantage matériel. Ce sont eux qui en retirent le plus. Un séjour sous la voûte sylvestre, si court soit-il, procure à l'âme le plus grand bien et vaut toutes les méthodes de méditation au monde ». (André Croteau, Guide de la forêt québécoise, saison par saison)

jeudi 3 avril 2008

Descendre la rivière avec le courant


J'ai pris cette photo au printemps dernier près de notre camp, à Rapide Deux. J'y suis allée en fin de semaine dernière et je peux vous assurer qu'on n'est pas encore rendu là cette année. Le contact de l'eau me manque beaucoup quand l'hiver s'étire trop. Je m'explique mal pourquoi j'ai tant besoin de vivre près de l'eau, d'en voir, d'en entendre, d'en ressentir la pureté, la fluidité et la transparence dans ma vie. Des fois, je me dis que c'est à cause de mes racines (ou de mes algues) des Iles-de-la-Madeleine jusqu'ici!

Le surnom de l'Abitibi-Témiscamingue, c'est « la région aux 100 000 lacs ». On exagère à peine, il s'agit plutôt de 100 000 points d'eau, comprenant aussi des rivières, des étangs, etc. Pour moi, les rivières sont des routes, des chemins de découvertes qui ont permis que se rendent jusqu'ici les explorateurs et aventuriers, marchands de bois et de fourrures, prospecteurs et pionniers de la colonisation.

L'Harricana me fascine. Prenant sa source près de Val-d'Or, plus loin, elle traverse joliment la ville d'Amos, poursuit sa course folle à travers la forêt boréale et la taïga, puis, elle se jette dans la Baie James. Crocodile Dundee et ses amis l'ont descendue en canot, une expédition mémorable, à les entendre en raconter des bouts. Il paraît que c'est là qu'on sépare les hommes des p'tits gars. Ils peuvent être assez machos quand ils s'y mettent, la gang. Lors d'une soirée bien arrosée, où ils avaient décidé qu'ils allaient la faire, quand on a voulu en savoir plus, ils avaient décrété dans une solidarité et un fou rire généralisé, au grand dam des filles présentes, que Harricana était un mot algonquin qui signifiait « là où l'homme va seul »...

La rivière Outaouais m'impressionne. C'est là qu'est situé notre camp. Rapide Deux et Rapide Sept sont deux centrales hydroélectriques situées sur cette rivière mais il y en a d'autres aussi, tout le long de son parcours. La rivière Outaouais, c'est comme mon fleuve à moi. La plus longue rivière au Québec, avec ses 1120 kilomètres, draine le bassin hydrographique le plus considérable. Le fleuve St-Laurent, lui, issu du lac Ontario, coule sur une distance de 1140 kilomètres jusqu'au golfe St-Laurent. Me suivez-vous?

Si j'étais un saumon qui devait retourner au lieu d'où il vient, je partirais de notre camp à Rapide Deux, je nagerais toute la longueur (environ 2 kilomètres) du « creek » pour rejoindre la rivière Outaouais, pendant 1120 km jusqu'au fleuve et de là, jusqu'au golfe, où je retrouverais ces chères Iles-de-la-Madeleine. J'irais tout de suite saluer le grand Fred à mon oncle Will... Depuis le temps qu'il m'invite sur son homardier! « Salut Fred, c'est Francine à Léo à Avila, à Julien! »

J'y pense beaucoup ces jours-ci aux Iles. Parce que je m'ennuie de l'eau, que j'ai hâte que le processus irréversible du printemps fasse tout renaître, que les « creeks » dégèlent, que la rivière soit « en chandelles », que j'entende à nouveau chez moi mon lac chanter doucement quand le vent chaud disperse les derniers glaçons d'une île à l'autre.

Mais je pense aux Iles aussi à cause de cette tragédie de l'Acadien II, la version 2008 de « La complainte des Lebel » chantée par mes défuntes grands-mères et qui raconte la vie, le drame des chasseurs de loups marins. Depuis que c'est arrivé, je vois et j'entends plein de reportages, je reconnais des lieux, des noms de famille qui sont les nôtres, des ressemblances des gens de là-bas avec ceux de mes familles. Mais surtout, ils ont tous le même bel accent madelinot que Papa, dont je m'ennuie tellement. Maman vient aussi de Hâvre-aux-Maisons mais son accent s'est beaucoup dilué avec les années, surtout lorsqu'elle est allée étudier à Québec. Papa disait qu'elle avait perdu son accent parce qu'elle était « instruite » !

L'accent de Papa était resté intact, tant dans sa prononciation que dans ses expressions maritimes et c'est ce que je retrouve dans ces Madelinots qui s'expriment ces jours-ci. Si je le pouvais, je les prendrais tous et toutes dans mes bras, je les serrerais ben ben ben fort et je les écouterais me parler pendant des heures...